Un prince emporté sur les ailes d'un oiseau géant entre dans un jardin édénique. Une femme d'une incomparable beauté lunaire l'y accueille et se prête à tous ses jeux érotiques. Elle lui demande de patienter une nuit avant de se livrer à lui. Mais, incapable de maîtriser le désir qui le consume, le prince tente de forcer la belle. Il est précipité dans la Cité obscure de ce bas monde où il erre depuis lors vêtu de noir, portant le deuil de la Beauté qu'il a perdue à jamais. «De désir brûlant si loin chû/ (Sa) passion demeurée crue», murmure la Princesse de l'Inde à l'oreille de Shah Bahrâm, le héros qu'elle enlace sous le Pavillon Noir de son palais féerique dans le secret d'une nuit «pareille au noir esclave hindou/ Qui s'accroche à l'oreille une clochette de lune».
Dès le premier des sept récits qui tissent la tapisserie somptueuse du Haft Paykar, le Pavillon des Sept Princesses, le lecteur le moins averti peut reconnaître qu'il est entré dans un univers familier celui des récits de Shéhérazade (les voyages de Sindbad le marin, l'histoire du troisième prince Qalandar et celle du poète de Mossoul dans le cas précis) et des paysages de mosquées aux murs couverts de faïences d'azur de Samarcande, Ispahan ou Hérat. Chef-d'oeuvre de la littérature arabo-persane et de la poésie de l'Islam moyenâgeux, le Pavillon, composé à la fin du XIIe siècle (1197) et traduit pour la première fois en français est la version lettrée, précieuse et mystique de ce vaste fonds commun d'histoires