Tout ce qu'on sait des frères Vivaldi tient dans cette phrase de Jean Favier citée en exergue du livre de Nadine Laporte: «Les frères Vivaldi quittent Gênes en mai 1291. Ils passent Majorque et Gibraltar, longent les côtes d'Afrique jusqu'au golfe de Guinée. Le terme du voyage est fixé: l'Inde.» Depuis, on n'en a plus de nouvelles, et les deux cents pages qui suivent sont pure invention, pure vraisemblance, de la première phrase «Le sieur Vivaldi, mon père, aime l'or comme tout le monde. C'est-à-dire énormément, car l'or apporte considération et commodités quotidiennes» à la dernière, «Peut-être», surtout la dernière. Les mots sont ceux de Vicente Vivaldi, qu'on appelle aussi Vadino («les prêtres qui m'ont baptisé étaient deux, et se sont contredits. L'air de rien, sous leurs contradictions, l'être fuit», page 24), il sera le narrateur de toute l'histoire, mais le mot narrateur ne dit rien de lui, ni de sa langue, ni de sa place: il est celui dont les mots remplissent le livre, certes, il en est aussi le héros, mais ce qu'il voit ne peut se voir d'un seul regard et ni sa place ni son rôle dans le récit ne lui permettent de dire, encore moins d'écrire, ce que nous lisons. On entend ici à la fois la voix de sa conscience, de son doute, de sa lucidité, de son inconscient, de ses espérances et de sa postérité, toutes choses qu'il est rare qu'une voix prise dans le tumulte des tempêtes fasse entendre posément, à moins qu'à travers elle coule une autre voix, plus proche de nous, d
Critique
Au bord de la terre.
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publié le 18 janvier 2001 à 21h58
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