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Libération
Critique

L'impair maléable.

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En vers irréguliers, la remémoration concrète d'une vie californienne.
publié le 1er février 2001 à 22h30

Christophe Lamiot, né en 1962, vécut longtemps (quatorze ans exactement) aux Etats-Unis. Maintenant il est revenu en France, maintenant il se souvient. Ses poèmes sont autant de caillots de mémoire, des mises en forme de tout petits événements advenus outre-Atlantique. Manger des pommes en bord de route, dormir à la belle étoile, suivre les cafards sillonnant la cuisine, admirer la mer, faire de la moto, devenir expert en météo californienne, «Les matins, tout blanc, c'est le ciel. Il/n'y a pas un souffle de vent,/ni mouches. [...]/ c'est/promesse de l'après-midi, invariablement soleil», regarder les femmes, beaucoup de femmes: «la femme qui vient chaque jour», «la femme à l'automobile», «la jeune femme haut du campus», la «femme peintre au chantier» et aussi Paula, Tina, Jennifer, Carolyn, on en passe. Des pommes et des oranges, Californie, sous-titré I ­ Berkeley, n'est que le premier tome d'une vaste entreprise de remémoration dont le but est de faire la photographie d'une vie enfuie. Nombre de poèmes s'intitulent d'ailleurs portrait, indiquant le goût de Lamiot pour les instants figés ou les ralentis cinématographiques. «Portrait de Sally sur la pelouse», par exemple, tendance cubiste: «Assise, tu rattrapes. Les mains/courent, tes jambes longues. Bientôt/la/maigreur. Un après-midi, sur le/gazon/fraîchement coupé, je/sens/l'été. Framboise:/ton visage à la hanche blonde.»

Centrée sur le passé, la poésie de Lamiot se conjugue pourtant au présent. L'écriture refuse toute nost