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Libération
Critique

De Luca démêle les chevaux.

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Un récit du Napolitain Erri De Luca, ouvrier le jour, écrivain la nuit, qui passe par l'Argentine au grand galop.
publié le 8 février 2001 à 22h43

«Une vie d'homme dure autant que celle de trois chevaux et tu as déjà enterré le premier.» Ainsi s'adresse le patron d'un bistrot d'une île perdue des Malouines au narrateur. Celui-ci est un homme en fuite, sa compagne, militante politique d'extrême gauche a été assassinée par la police militaire argentine, jetée d'un hélicoptère dans la mer. Lui s'est retrouvé clandestin, tuant à son tour pour venger son amante, et après une longue errance dans la pampa, il a trouvé refuge dans l'archipel. Là, il cherche un bateau pour regagner l'Italie, son pays natal. Des années plus tard, rentré chez lui et devenu jardinier, il rencontre une autre femme, Laila, qui lui rappelle Dvora la disparue. Laila, prostituée au grand coeur, menacée de mort parce qu'elle veut quitter le métier, et avec qui il se sent «comme en Argentine, sans lendemain». L'amour rapproche les deux êtres, mais le danger guette à nouveau, et l'heure du cheval sonne pour la deuxième fois. Présent et passé se mêlent, tant la tragédie argentine occupe en Italie une place particulière: jusqu'en 1939, plus de trois millions d'Italiens ont émigré dans ce pays et beaucoup de leurs descendants figurent parmi les 40 000 disparus victimes de la dictature militaire entre 1976 et 1982. «L'Argentine arrache une de ses générations au monde comme le fait une folle avec ses cheveux, explique le narrateur à Laila en évoquant sa lointaine et cruelle vie australe. Elle tue sa jeunesse, elle veut s'en passer. Nous sommes les derniers.» I