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Libération
Critique

La case ouvrière.

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Maoïstes et marxistes-léninistes, ils partirent, entre 1967 et 1980, travailler en usine, pour se mettre au service du prolétariat, garant de la Révolution.
publié le 8 février 2001 à 22h44

«Tous, ils voulaient partir et respirer l'air pur des banlieues, écouter le bruit des machines, toucher les outils, s'établir», écrit François Baudin dans un des premiers témoignages (la Mer gelée en nous, 1977) sur cette expérience qui, à la suite de Robert Linhart, a conduit, entre 1967 et 1980, quelques milliers (entre 2 000 et 3000) de jeunes hommes et femmes (pour un tiers) à travailler en usine. Marnix Dressen a été un de ceux-là, de 1973 à 1977, dans une entreprise métallurgique d'Alsace. Devenu sociologue, il a voulu mener une enquête sur ce mouvement pour le comprendre, l'objectiver en quelque sorte. Pour ce faire, il a utilisé les autobiographies assez nombreuses qui l'ont raconté (1). Mais, surtout, il a reconstitué un fichier de 500 noms, auxquels il a adressé un questionnaire fort détaillé. Près de 60 % ont répondu, taux exceptionnel, signe d'un intérêt préservé.

Un établi ­ le mot apparaît à la fin des années 1960 ­ est quelqu'un qui fait le choix d'aller travailler en usine pour se mettre à l'écoute et au service de la classe ouvrière. Car «les ouvriers sont nos maîtres», disait Alain Geismar à son procès (1970). Les racines de l'établissement sont anciennes et multiples: le saint-simonisme du début du XIXe siècle, le populisme russe de sa fin, les prêtres-ouvriers constituent des précédents. Mais les établis, plus humbles, veulent moins porter la bonne parole que se convertir eux-mêmes. Leurs inspirateurs? Non pas Marx, Proudhon, Lénine ou Trotski, mais Mao, l