Le dernier livre traduit de Hans Blumenberg (1) pourra servir la découverte d'un des principaux philosophes allemands de la seconde moitié du XXe siècle (2). Cette petite épopée de la théorie en terre d'Occident, du présocratisme au post-heideggerisme, résume tout à la fois le type de réflexion de Blumenberg et son style si on admet que ce mot désigne autant un mode de penser qu'une façon d'écrire.
L'évidente beauté de l'oeuvre de Blumenberg, philosophe artiste, fait une bonne raison de la lire, même si ça ne peut être la seule, comme chaque fois que la réussite esthétique redouble l'effort démonstratif du raisonnement, de Platon à Nietzsche ou à Benjamin. Comme son nom l'indique, le Rire de la servante de Thrace a pour objet la plus célèbre anecdote des annales philosophiques, presque une bonne blague:- celle qui raconte comment Thalès («celui dont on affirme qu'il fut le premier philosophe») est tombé au fond d'un puits alors qu'il se livrait à une observation astronomique, maladresse qui fait éclater d'un rire moqueur la servante qui l'accompagnait.
Blumenberg est connu pour la réflexion qu'il a développée sur la métaphore (jusqu'à évoquer une «métaphorologie») et pour le traitement qu'il a donné de quelques-unes des plus saillantes dans l'histoire intellectuelle. Ici, «Thalès» fait, bien entendu, image du «producteur de théorie» et Blumenberg le suit à la trace de ses innombrables avatars, à travers la bibliothèque universelle. Les infimes mais subtiles variations qu'a r