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Les séditions Feltrinelli

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Milliardaire, membre du PCI puis gauchiste,éditeur du «Docteur Jivago», Giangiacomo Feltrinelli est mort en manipulant des explosifs. Rencontre à Milan avec son fils Carlo, qui vient de lui consacrer «Senior service».
publié le 22 février 2001 à 23h07

Milan, envoyé spécial

Via Andegari, à deux cents mètres de la Scala, au coeur du coeur de Milan, depuis quand flotte-t-il ce parfum d'encens dans le mythique petit salon aménagé par Giangiacomo et sa femme Inge, à l'époque heureuse où l'éditeur avait voulu réunir dans l'immense palais Feltrinelli, famille, affaires, éditions, bibliothèque populaire, archives du mouvement ouvrier? Sans doute en retiennent-ils les exhalaisons, les milliers de livres rajoutés à ceux que l'éditeur avait publiés de son vivant sur les étagères qui couvrent les murs de ce vestibule, mi-public mi-privé, où les auteurs les plus prestigieux d'une bonne partie de la littérature mondiale se sont arrêtés, à un moment ou à un autre. Les bâtonnets brûlent-ils en souvenir d'un temps, l'après -1968, où l'appel à la lutte armée ne couvrait pas complètement les premières clameurs féministes ni les pérégrinations hippies aux entêtants rivages du Gange? Et s'ils diffusaient plutôt, comme on le dit d'une musique, un fond olfactif postmoderne, tel un clin d'oeil ironique au new age? Suprême raffinement de l'actuel maître des lieux, Carlo, le propre fils de l'éditeur, qui lui a succédé à la tête de la Maison, et qui lui consacre Senior service ­ l'encens doit plus simplement être le moyen d'exciter les sens du visiteur devant les très grands tableaux de saints et de béats posés avec art et descendus ici, on ne sait pas quand, de quelque autel baroque de la Contre-Réforme.

D'ici, Giangiacomo Feltrinelli est sorti une