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Critique

Chambre d'autres

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Les déplacements de populations en Silésie après la denière guerre mondiale, par une narratrice qui s'efface dans les récits d'autrui.
publié le 1er mars 2001 à 23h49

Comme vous avez regardé Arte les mercredis soirs du mois de janvier, vous n'ignorez plus rien des déplacements de populations qui eurent lieu en Basse-Silésie à la fin de la dernière guerre. Coup de bol ou de marketing effroyablement pervers (n'en croyons rien), c'est justement la toile de fond sur laquelle s'inscrivent les récits multiples de Maison de jour maison de nuit, dont les héros peuplent Pietno, hameau qui arrêta de s'appeler Einsiedler quand il passa de 92 à 39 âmes en 1945, ses habitants allemands ayant été remplacés par des Polonais déportés.

«La première nuit, j'eus un rêve statique. Je rêvai qu'il n'y avait en moi rien hormis la vue, que j'étais pur regard, et n'avais ni corps ni nom»: de fait, la narratrice ne parlera jamais d'elle ni de son mari R., pour donner à voir au contraire ses amis, ses voisins, pour leur donner voix. C'est de ce formidable altruisme que vient l'air pur et neuf respiré dans cette Maison. C'est de cette proximité à l'autre que naît le plaisir du lecteur, revenu comme chez soi, «where he belongs» dirait l'anglais, là d'où il n'aurait jamais dû partir ­ ce qui ne fut pas le cas de la plupart des personnages: Marta la voisine, Ergo Sum le prof cannibale, Marek Marek qui s'est suicidé, Kummernis la sainte devenue femme à barbe ou Paschalis, son historiographe à seins, ont tous connu le drame du déracinement et l'angoisse des frontières mouvantes. Certaines histoires sont ironiquement exemplaires, telle «Peter Dieter» dont le héros éponyme,