Menu
Libération
Critique

Tableau noir

Article réservé aux abonnés
Comme beaucoup d'autres avant lui, Franco Ricciardiello s'est laissé hanter par la célèbre toile d'Arnold Böcklin.
publié le 8 mars 2001 à 23h54

Achaque fois que la jeune Italienne Vittoria Rossa Altieri se trouve devant l'Ile des morts d'Arnold Böcklin, elle fait une transe hypnotique. «C'est comme si je pénétrais dans une région intermédiaire, poursuit Vic. Pendant environ une minute, mon regard s'est fixé sur chaque détail de la côte rocheuse, les cyprès, les fissures envahies par la végétation. Puis, quand je me suis concentrée sur l'ombre des cyprès, juste derrière le môle, je me suis perdue. Je ne me souviens pas du moment précis où je suis passée de l'autre côté, mais, à un certain moment, je n'étais plus moi-même. J'étais Albert Speer, et, la fois suivante, j'ai été le maréchal Fegelein.» La contemplation du tableau la fait passer dans une autre peau et dans un autre univers, celui du bunker d'Hitler quelques jours avant sa mort. On est loin de la simple émotion esthétique... Est-ce le syndrome de Stendhal, mystérieuse hypersensibilité aux oeuvres d'art, rendu célèbre par un film de Dario Argento?

Franco Ricciardiello concentre bientôt son roman sur du solide: la théorie du chaos. Cette théorie mathématique à la mode, capable de rendre la complexité du monde, lui sert de fil conducteur, de clef. Il s'en sert aussi pour bâtir son livre, en le divisant en cinq parties avec une transcription de transes de Vic en point d'orgue. Le contraste est parfois brutal entre des personnages qui se tapent sur l'épaule et les récits d'outre-tombe. En même temps, ces monologues de fantômes confinés dans la chancellerie font fr