Vous avez donc lu Claude Simon «avec passion»? L'anecdote est authentique, j'avais pris comme pseudonyme dans mon journal Claude Simon et c'est seulement en khâgne que pour la première fois j'en ai entendu parler, on faisait des commentaires composés, et puis un jour un texte était tiré d'Histoire, Claude Simon. C'était exceptionnel qu'on nous donne un auteur vivant. Quand j'ai découvert ces pages, j'ai lu aussitôt le livre d'où elles étaient tirées, et après j'ai lu le reste, les premiers, notamment ceux qui sont si évidemment différents, le Tricheur et la Corde raide, à part la Corde raide on les a tous à la maison, et chaque fois qu'un Claude Simon sort je l'achète.
Vous souvenez-vous de votre première impression?
Oui, j'ai eu une impression de quelque chose de complètement nouveau, je me souviens, c'était très saisissant, ça m'a fait penser à Proust ma référence c'était ça , et puis en même temps j'avais le sentiment d'une découverte, il n'y a pas plus beau que cette phrase, ces méandres, le rythme, les parenthèses, les incises, je me souviens immédiatement après d'avoir dit aux copines mais qui c'est ce Claude Simon.
Ça vous paraissait relever du réalisme?
Non. Justement. Ça me paraissait dire tout ce qu'on a dans la tête. Cela représentait la réalité, mais une réalité recomposée avec le passé, les souvenirs, c'était essayer de tout mettre dans la même phrase, la même journée. C'était le monde. La tentation de saisir le monde, le passé, le présent, surtout le présent, c'