Peut-on comprendre en partie la crise qui déchire l'Algérie à travers ce que l'écrivain Rachid Mimouni appelait la «démission historique» des intellectuels algériens? «Quel a été leur rôle au cours de ces décennies?, demande-t-il ainsi dans la préface de Tombéza. Quels sont les grands débats qu'ils ont initiés? [...] Qui, au nom du principe démocratique, s'est élevé contre la suspension de l'Assemblée nationale en 1964, contre le renversement d'un président constitutionnellement élu [...]?» Analyser le malaise culturel des intellectuels et les rapports ambigus qu'ils entretiennent avec le pouvoir politique est en tout cas le pari de l'anthropologue Tassadit Yacine-Titouh. S'appuyant sur la mythologie kabyle et ses fables, elle met en évidence les liens qui se nouent entre le pouvoir (la force) du Lion et la ruse (l'intelligence) du Chacal. En Algérie, mais aussi dans le Maghreb tout entier.
Les pérégrinations de Chacal dans les montagnes de Kabylie nous révèlent, certes, des modèles de comportement bien réels. Mais c'est à travers le récit du monde fabuleux des animaux et des rapports de force qui le traversent que l'auteur nous permet de saisir «les mécanismes qui ont conduit les sociétés maghrébines à instaurer des pouvoirs opaques dont les méthodes s'inspirent à la fois du despotisme oriental et de la Révolution française».
C'est la figure emblématique de Chacal qui va aider à comprendre comment des auteurs marqués par la culture traditionnelle Jean Amrouche, Mouloud Mamm