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Libération
Critique

L'énergique du désespoir

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Un livre d'entretien avec celui qui fut le mari d'Hannah Arendt, abandonna la philosophie pure pour lutter contre le nazisme et tous les drames du siècle passé.
publié le 29 mars 2001 à 0h14

Günther Anders fait partie de ces intellectuels méconnus que l'on redécouvre aujourd'hui en France. Né en 1902, élève de Husserl, Cassirer et Heidegger, il fut également le premier époux d'Hannah Arendt. A partir de 1930 il abandonne la philosophie pure pour se consacrer à la lutte contre le nazisme.

«Il m'est apparu alors que le revirement qu'avait accompli Socrate [...] nous devions l'accomplir nous aussi. Il me semblait qu'écrire des textes sur la morale que seuls pourraient lire et comprendre des collègues universitaires ­ Anders fait ici allusion en particulier à Heidegger­ était dénué de sens, voire immoral». Quittant un monde universitaire trop conciliant vis-à-vis du pouvoir, il prend un pseudonyme (Anders veut dire «autrement») et publie articles, satires, romans: «Toute une littérature didactique pour ceux que le régime hitlérien avaient spirituellement et intellectuellement ruinés.» Contraint à l'exil (en France puis aux Etats-Unis), il y poursuit la lutte contre le fascisme avec ses compatriotes marxistes de la célèbre Ecole de Francfort (Benjamin, puis Adorno et Marcuse), sans entrer au Parti communiste car, explique-t-il, «j'avais comme principe que s'exprimer au nom d'un groupe luttant pour le pouvoir est diamétralement opposé au fait d'être philosophe».

Toute la vie d'Anders, que l'on découvre dans ces entretiens de 1979, est à l'image de ce principe: être libre, être philosophe, c'est avant tout penser par soi-même et ne subir aucune loi. Après les camps de co