A. L. Kennedy arrive, pantalon de cuir, présence puissante, pas du tout le portrait imaginé d'elle après lecture (enthousiaste) de Volupté singulière. Dans ce roman-là, Mme Brindle se débat, à cause de sa vie difficile, si incertaine, et floue, tout à fait floue. «Elle découvrit qu'elle avait perdu le pouvoir de tendre la main. Il lui arrivait de temps en temps de se forcer à pousser une sorte de hurlement, mais elle constatait ensuite qu'il s'était retourné contre son visage.» Plus loin dans la conversation, on cite le nom d'écrivains à corps problématique (Emily Dickinson, Virginia Woolf) mais A. L. Kennedy répond: pas vraiment, plutôt Jean Rhys, plutôt l'humour mordant de Rhys. Il suffit d'entendre lire Kennedy, comme elle le fit au British Council, pour comprendre qu'elle met volontiers en avant les saillies ironiques des personnages. Kennedy aime les dialogues (très nombreux dans Volupté singulière), écrit du théâtre, des scénarios, a réalisé un film. De l'art de la scène, qu'elle étudia à l'université, elle dit avoir appris «le sens physique du langage».
Mme Brindle, c'est tout le contraire. Elle n'a pas de corps, mais un mari qui n'en est pas un, et Dieu. C'est Dieu qui lui a retiré son corps. «Si Dieu était Dieu, alors Il pouvait la traverser du regard, elle aurait pu aussi bien être une fenêtre ou une poupée russe en verre.» Mme Brindle est une mystique véritable, même si elle reste chez elle à inventer des recettes de cuisine pour son mari tellement poilu, on dirait