Menu
Libération
Critique

La trame du tram.

Article réservé aux abonnés
Un tramway d'autrefois entre la ville et la mer, et un séjour à l'hôpital. Le trajet est plein de correspondances, d'arrêts et d'accélérations. Circulez, il y a tout à voir.
publié le 29 mars 2001 à 0h15

Claude Simon a fait remarquer un jour qu'en grec, transport se dit metaphora. De quelle métaphore à votre avis est-il porteur, ce tramway de son enfance qui circule entre le centre-ville et la mer? Il relie «deux pôles d'attraction populaire», le cinéma et la partie de la plage que la bonne société ne fréquente pas. Là, on disait des pauvres qu'«il s'en noyait un ou deux» le dimanche, «un peu comme on eût parlé de petits chiens». Le tramway lève sur son passage une foule d'observations, il fait l'aller et retour dans le temps, d'un épisode l'autre. Il circule d'abord dans l'espace, comme un rayon lumineux, braqué par exemple sur les cingleries architecturales de la bourgeoisie, relayées et mises à mal plus tard par les aberrations de l'aménagement urbain. Il conduit aux anecdotes des moeurs familiales et provinciales, pas si austères.

Il y a un train dans chaque roman de Claude Simon, wagon le plus souvent vecteur de malheur. Mais ici, c'est vraiment une course légère, une courte distance, quinze kilomètres, un kilomètre par roman. Aussi bien, c'est la vie, le chemin est vite parcouru.

Le tramway ­ ce vieux tramway déjà emprunté à la fin de l'Acacia ­ est assez pimpant. Parce que c'est l'oeuvre d'un ancien petit garçon, le Tramway commence par la description fascinée du domaine du conducteur, les graduations du cadran, le volant en fonte. «La poignée de la manette ne conservait de son vernis initial qu'une légère trace brune, son bois depuis longtemps à nu, grisâtre, sinon mêm