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Critique

Le monde d'hier.

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Un inédit new-yorkais de Singer, publié en feuilleton en 1957, dont les personnages anticipent ceux de Philip Roth et de Woody Allen.
publié le 29 mars 2001 à 0h14

Dix ans après sa mort, un épais roman inédit d'Isaac Bashevis Singer (1904-1991) sort des limbes. Paru en feuilleton tout au long de l'année 1957 dans Forward, quotidien yiddish new-yorkais, Ombres sur l'Hudson a été édité sans que l'auteur ait pu, comme il en avait l'habitude, réviser sa copie ni en superviser la version anglaise, matrice de toutes les autres traductions. Peu importe finalement, au regard du résultat. La traduction de Marie-Pierre Bay, spécialiste de l'oeuvre, est remarquable et le caractère parfois brut du texte révèle ce qu'était pour l'essentiel le prix Nobel de littérature 1978 : un feuilletoniste, dont l'imagination débordante reposait sur une observation inlassable de ses contemporains, un conteur-né pondant sa copie une à deux fois par semaine, et dont les livraisons aux journaux yiddish américains sont loin d'avoir toutes été reprises en volume. «Un écrivain est comme un cheval, il doit constamment être fouetté», disait ce génial forçat de la plume. Fils de rabbin pétri de culture hassidique et de magie populaire, Isaac Bashevis Singer avait fui dès 1935 sa Pologne natale pour rejoindre en Amérique son frère aîné Israël Josuah, écrivain yiddish déjà réputé, dont il prit en quelque sorte la place après la mort soudaine de ce dernier en 1944. la plupart des membres de sa famille restés en Europe périrent dans les camps nazis.

Ombres sur l'Hudson se déroule à New York entre 1947 et 1948, parmi des juifs polonais ou allemands immigrés d'avant-guerre ou r