Né en 1915 dans la province du Pendjab, Khushwant Singh est typique de sa génération. L'écrivain et éditorialiste appartient à ces auteurs «double», qui élevés à l'anglaise, adoptent l'idiome du colonisateur comme langue littéraire cependant qu'ils nourrissent un fort sentiment d'identité nationale. Chez Singh comme chez son aîné des lettres anglo-indiennes, R. K. Narayan, l'esprit critique vis-à-vis du pays censément civilisateur s'exerce à tout moment. Mais Singh, auteur de l'après-indépendance, ne se fait pas tant le chantre du mouvement panindien qu'il décrit les séquelles de l'Empire britannique (snobisme, complexe d'infériorité par rapport à l'Occident) et les tares endémiques au sous-continent (castes, religiosité exacerbée, statut inférieur de la femme). Aussi, avec l'auteur de Train pour le Pakistan (Autrement, 1997), n'est-il pas rare que la causticité du journaliste prenne le pas sur la délicatesse du conteur.
Il y a, bien sûr, dans ce recueil des nouvelles touchantes. Le portrait de sa grand-mère qui voit avec un mélange de scepticisme et de tendresse désabusée son départ pour l'étranger: «Je devais partir cinq ans et à son âge on ne sait jamais. Ma grand-mère savait. Elle ne fit même pas de sentiment. Elle vint m'accompagner à la gare, mais elle ne parla pas et ne fit montre d'aucune émotion. Ses lèvres étaient actionnées par la prière, et son esprit perdu dans la prière. Ses doigts étaient occupés à compter les grains du rosaire. En silence, elle m'embrassa sur