L'esclavage existe encore en Afrique. Malgré la colonisation, qui l'a souvent interdit, malgré les abolitions décidées par les Etats indépendants (comme la Mauritanie, en 1981), des formes proches de l'esclavage perdurent en silence. «L'esclave ou l'ancien esclave est un acteur quasiment invisible dans le paysage africain contemporain, un impensé ou un point aveugle dans la recherche en sciences sociales», écrit l'anthropologue Roger Botte qui a dirigé ce numéro du Journal des africanistes dont l'une des particularités, rare dans une revue universitaire, est d'associer des africanistes professionnels à des membres d'associations militant pour les droits de la personne.
Pourquoi cette difficulté à penser l'esclavageÊafricain? Les raisons sont multiples. La colonisation a été marquée par une volonté contradictoire, avec un souci d'abolir la servitude mais aussi la crainte que toute suppression brutale ne sape l'ordre social et les pouvoirs traditionnels sur lesquels, en fin de compte, s'appuyait le colonisateur. D'où une situation ambiguë dans les colonies françaises mais aussi anglaises (comme le Soudan) avec une figure de l'esclave qui n'existe officiellement plus mais qui est toujours aussi présente. Cette hypocrisie a laissé des traces jusqu'à nos jours.
Par ailleurs, il faut faire la part, estime justement Roger Botte, des «bons sentiments humanistes» des africanistes occidentaux qui, par une sorte de respect indicible pour les populations qu'ils fréquentent, leur font préf