Et si tous les romans étaient un remake de la Lettre volée? Si, comme dans la nouvelle d'Edgar Poe où Dupin trouve sur la table le document que tout le monde cherchait dans les endroits les plus cachés, il ne s'agissait jamais que de rendre évidente l'évidence? C'est en tout cas bien de ça qu'il est question dans Alouette, le roman du Hongrois Dezsö Kosztolanyi, né en 1885 et mort en 1936, qui ouvre la nouvelle collection de poche [bIs] des éditions Viviane Hamy (en même temps que des rééditions du Dernier Eté de Ricarda Huch et du Myrte et la rose d'Annie Messina).
Qui plumera Alouette? Personne n'aura à mettre personnellement la main à la pâte, l'existence s'en chargera. La jeune femme de 35 ans a mille qualités de coeur mais il lui en manque une de visage: elle est laide. Comme le reste du monde, ses parents n'ont pas pu faire autrement que s'en apercevoir, en particulier son père. «De toute sa vie il n'avait jamais rien compris aux femmes, mais que sa fille était laide, il en avait toujours eu le sentiment très vif.» Cette laideur est le sujet du roman et il semble donc qu'il n'y ait plus rien à découvrir. Le moment viendra pourtant où cette disgrâce cessera d'être une décoration d'Alouette pour l'habiter entièrement, elle et ceux qui l'aiment, où elle sera l'élément central de leur vie, débordant le simple cadre de la vue pour perturber toute existence intérieure.
Alouette n'a pas d'autre nom que ce surnom qu'on lui a donné «il y a très longtemps, quand elle chantait enco