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Libération
Critique

Rôles de dames

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La comédie sociale aura imposé leur emploi aux unes et aux autres, jusque sur les planches.
publié le 19 avril 2001 à 0h31

George Sand, Colette, Virginia Woolf... Quelques noms de femmes passés à la postérité, exceptions si souvent utilisées pour confirmer la règle selon laquelle les femmes et l'écriture feraient mauvais ménage; dès lors qu'il s'agit de créer en art, en musique comme en littérature, il n'y aurait, clame le XIXe siècle, de génie que masculin. Et l'on sait combien la misogynie ambiante sut manier sans vergogne la tautologie: inutile de fournir aux filles le savoir indispensable à la création puisqu'elles ne sont pas aptes à créer, la preuve: elles ne créent pas. Et voici les femmes vouées par nature à la reproduction et au silence. Colette Cosnier rappelle ce carcan, désormais bien connu, que quelques-unes parviendront à briser, non sans ruptures affectives et familiales, non sans blessures. Mais, pour quelques échappées belles, combien de talents engloutis par les préjugés, tués dans l'oeuf par les filles elles-mêmes qui adhèrent aux idées reçues car perçues comme des vérités?

C'est l'histoire de cette intégration des modèles que l'auteur tente de mettre à nu. Aussi enjambe-t-elle les deux derniers siècles, rapprochant Marie Bashkirtseff d'Anaïs Nin pour dépasser la surface des réformes éducatives qui semblent tendre vers l'égalité des sexes. Elle découvre ainsi l'insidieux endoctrinement auquel collaborent presse enfantine, littérature pour jeunes filles, manuels d'éducation. Les filles intériorisent une culture de la soumission aux normes, le goût de ressembler à leur mère: les