Un jour, un professeur d'économie de l'université de Cambridge demande à l'écrivain mexicain Carlos Fuentes de lui signaler un bon roman, mais à condition, prévient cet homme apparemment rationnel, «que ce ne soit pas l'un de ces romans latino-américains dans lesquels on ne sait jamais si les personnages sont morts ou vivants». Carlos Fuentes ne lui conseilla rien et on ne lui conseillera pas le Messager, sixième roman et merveille noire de Mayra Montero. Les vivants y sont apparemment vivants et les morts, morts, mais ils se croisent et se contaminent: le Messager est l'un de ces romans latino-américains dans lesquels les vivants suent la mort et les morts, la vie.
L'histoire est inspirée par un événement réel: au printemps 1920, le grand ténor napolitain Enrico Caruso fait une tournée à Cuba. Il lui reste un an à vivre. Il se sent décliner. Il débarque sur l'île le 5 mai 1920, «avec une rage de dents et l'envie de retourner aussitôt à New York. Il avait quarante-sept ans, il souffrait d'une migraine chronique, fumait un minimum de cinquante cigarettes par jour et se réveillait tous les matins en ayant mal au foie et avec la bouche amère.» Il ne dort que dans des draps de lin, craint sa voix, la sueur, et un attentat contre lui de l'organisation mafieuse la Main noire. Et il a raison: le 13 juin, au cours de la représentation d'Aïda, une bombe explose au théâtre de La Havane. Caruso, paniqué, fuit dans son costume de Radamès à travers les rues surchauffées.
Ici commence la vé