En 1939, l'homme qui écrit la Longue route se présente ainsi en guise d'introduction dans l'édition Carrick & Evans: «Je suis né à Samsun, en Turquie, le 9 septembre 1908. J'ai demandé à ma mère quel genre de bébé je faisais, et elle a dit que je m'étais mis à brailler à peine arrivé au monde, que je n'avais pas changé et que je continuerai sûrement à brailler jusqu'au jour de ma mort.Intéressante perspective, non? Passer dans l'autre monde en barrissant comme un éléphant écorché... Laissez-moi vous dire que ma mère était dans l'erreur: je ne braille pas. Je cause fort, parce que j'ai peur que les gens n'entendent pas ce que j'ai à dire. Je n'ai pas grand-chose à dire, remarquez, mais j'ai peur quand même. En ce moment je m'exerce à écrire fort. Je sais que je n'écris pas assez fort, vu que pas suffisamment d'éditeurs et de directeurs de revues n'écoutent mes histoires. C'est mon intime conviction que les gens ne rient pas assez fort, ne parlent pas assez fort, ne marchent pas assez vite et ne balancent pas les bras assez fort quand ils marchent. Je crois que la première chose à faire pour un jeune écrivain, c'est d'apprendre à bien jurer, dire des gros mots comme il faut. Quelqu'un qui sait jurer beau, fort et longtemps, celui-là il a déjà le sens de ce qu'est la vie.»
Bezzerides passera effectivement sa vie à pester contre vents et marées; mais, s'il a toujours vu le monde comme une injustice, il faut dire qu'il est né dedans: Long Haul, comme s'appelle en anglais son premi