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Libération
Critique

L'idiome de la famille.

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publié le 3 mai 2001 à 0h45

L'intérêt de Jack Goody pour la famille remonte au début de son travail d'anthropologue et est allé grandissant au fil des ans comme le montrent la Famille en Europe et Famille et mariage en Eurasie , deux ouvrages qui font suite à l'Evolution de la famille et du mariage en Europe, une étude sur la structure familiale préindustrielle parue en 1985 chez Armand Colin (1). C'est pour essayer de comprendre pourquoi ­ en ce qui concerne la famille, la parenté et le mariage ­ les usages des groupes particuliers qu'il étudiait en Afrique sont si différents de l'Europe précapitaliste que l'anthropologue s'est doublé d'un historien et a élargi son enquête à l'Asie. Une question le chiffonnait: peut-on traiter de primitives les sociétés humaines de l'Orient proche et lointain alors qu'une simple comparaison laisse entrevoir infiniment plus de similitudes que de différences avec l'Occident, non seulement sur cette question de la famille mais aussi sur la production et l'économie ­ ce qui n'est pas vrai pour l'Afrique? La «primitivisation» de l'Asie par les sciences sociales ­ remontant à Marx et Weber et encore courante dans les années cinquante ­ serait-elle finalement un autre signe de l'ethnocentrisme des Européens, visant, consciemment ou inconsciemment, à l'infériorisation de tous les autres?

S'agissant de sociétés en principe patriarcales, une dose de provocation et un certain souci féministe ont poussé Jack Goody à centrer son étude comparée de la famille en Europe et en Asie sur