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Libération
Critique

Crayon de colère

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Jean-Yves Cendrey continue de creuser son sillon furieux, ici une femme en prison donne de la voix.
publié le 10 mai 2001 à 0h50

On a lu tous les livres de Jean-Yves Cendrey: il ne décolère pas. Depuis Principes du cochon (P.O.L., 1988), il ne décolère pas, et l'on comprend vite qu'une colère comme ça, on l'attrape tout petit, dans des circonstances qui ne nous regardent pas, on se la garde au fond de la gorge, tant qu'on peut. On ne peut pas. Alors, quand ça éclate, ça éclabousse partout et pour longtemps. Mais ce n'est pas parce qu'on écrit en colère qu'on écrit n'importe quoi, les cris comme ils viennent, les coups sur tout ce qui bouge, non, au contraire, sa colère, Cendrey, il en a fait une colère d'écrivain (ou bien c'est cette colère qui l'a fait écrivain).

Cette colère n'est pas perdue pour tout le monde, c'est une énergie, une énergie rogue, revêche, tonitruante, l'énergie de ceux qui ont plus urgent à faire que séduire, une énergie que Cendrey met au service de ceux qui l'ont encore au fond de la gorge, la colère, qui ne savent pas comment l'en sortir, qui ne peuvent pas, qui risquent d'aggraver leur cas, forcément, parce que la colère est toujours plus forte que la précaution. Dans Une simple créature, Jean-Yves Cendrey fait entendre la voix d'une femme, en prison à Caen. On comprend vaguement qu'elle est là parce que sa fille est morte, qu'elle l'a peut-être tuée, on n'en sait rien, pas trop d'importance: l'important, c'est l'énormité du sentiment d'injustice qui donnerait presque le droit de commettre un crime du même calibre. Voilà pourquoi, après avoir donné la juste voix d'une femme, à