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Libération
Interview

« Hors de l'humanité »

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Des peines de trente ans ont-elle encore un sens? Entretien avec Anne-Marie Marchetti, sociologue, qui a recueilli les témoignages de 27 condamnés à perpétuité.
publié le 10 mai 2001 à 0h50

Comment endure-t-on, jour après jour, une peine de prison à perpétuité? Pour comprendre, Anne-Marie Marchetti, chercheuse et enseignante en sociologie, a interviewé 27 hommes et femmes qui ont commis des actes terribles et qui ont pris perpète. Sous les noms fictifs, se devinent quelques «célébrités» de la rubrique faits divers des journaux. Après des centaines d'heures d'écoute, Anne-Marie Marchetti nous fait découvrir leurs autres visages. Le temps, la peur de mourir dedans, le suicide, les expériences homosexuelles, les drogues et trafics, leur crime, leur procès... Autant de sujets qui défilent et qui apportent des éléments de réponse sur la manière dont chacun s'accroche à la vie ou dérive. L'auteure prend aussi le parti de se laisser, parfois, submerger par les émotions et les sensations. Comme quand Cyrille se met à délirer sur un mot qu'elle vient de prononcer: pot-au-feu. Elle livre aussi des extraits de son carnet de bord, où elle parle des coulisses de son enquête, mais aussi, ce qui peut paraître très peu orthodoxe, de son expérience de victime.

Pourquoi vous être intéressée au cas des condamnés à perpétuité?

Cette minorité de détenus incarne à l'extrême la tendance inquiétante à l'allongement des peines en France. Inquiétante, car la politique carcérale est un bon indicateur de la vie démocratique d'un pays. En 1993, alors que je faisais une étude sur la pauvreté en prison, on m'a présenté des condamnés à perpétuités. En 1993, on était en plein débat de la loi Méh