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Libération
Critique

Kafka en Afghanistan.

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Par une citadine de Kaboul qui a conservé sa liberté par l'exil, trois nouvelles sur un pays qui s'est efforcé, avant même les taliban, d'éteindre tout souffle intérieur.
publié le 10 mai 2001 à 0h49

Traversant l'Afghanistan, les écrivains-voyageurs et romanciers occidentaux affolaient leurs yeux à la beauté bouleversée des paysages. Ils en firent des descriptions éblouies, parfois trop étirées. Dans le livre de Spôjmaï Zariâb, on cherche au fil des pages ces montagnes cabrées, comme éperonnées par les guerres telluriques qui se livrent sous l'écorce terrestre, et qui donnèrent du rêve ou du cauchemar aux voyageurs. Singulièrement, ils sont absents ou à peine suggérés. C'est que l'auteur est une femme, une femme afghane, soumise à la loi du tchadri, le voile afghan, à la fois grillage des yeux, puisqu'il ne permet pas de voir et geôle du corps qu'il empêche de trop s'éloigner du village. Alors, comment les Afghanes dont elle raconte les histoires pourraient-elles avoir un regard pour ces montagnes frôlées de précipices qu'elles ne connaissent qu'à la douleur des chemins. Bien sûr, même si elle raconte son pays à travers les barreaux du tchadri et comme brûlée par une incandescence intérieure et violente, celle d'un corps de femme jamais offert à la lumière du jour, Spôjma Zariâb a échappé au sort commun. Citadine de Kaboul, elle est née sous la bonne étoile d'une famille occidentalisée et sous le règne du roi Zaher, souverain déchu qui fut favorable à l'émancipation de la femme. Elle a donc a pu bénéficier d'une bonne éducation et aller dans les rues le visage libre. Cette liberté, elle ne l'a gardée que grâce à l'exil. Et c'est depuis l'exil qu'elle raconte aujourd'hui