Les Jeux olympiques sont ouverts par un porteur de flamme. De même, dans le monde de la culture, il y a toujours quelques athlètes érudits pour porter de livre en livre le flambeau des Lumières jusqu'au box-office. Jorge Luis Borges a fait de ce panoramique bibliothécaire un art: il renouvela la langue espagnole. Umberto Eco ou Georges Steiner, dans des genres inférieurs, l'un hédoniste, l'autre acariâtre, ont repris ce flambeau, miroir de la civilisation dans lequel de nombreux lecteurs aiment se contempler. Depuis deux ans, le Canadien d'origine argentine Alberto Manguel a pris la torche en main.
En 1998, il nous ouvrait sa babelienne bibliothèque dans Une histoire de la lecture (Actes-Sud). Aujourd'hui, dans le Livre d'images, il expose son musée intime. Manguel n'a ni le génie littéraire condensé de Borges, ni la fantaisie d'érudition d'Eco, ni la hargne prophétique de Steiner: il est professeur avant tout. Mais son ouvrage se lit avec un grand plaisir. Il a pour lui sa culture et sa simplicité: ce sont les belles histoires de l'oncle Alberto.
Manguel prend appui sur des images qu'il aime, ou n'aime pas, pour penser et classer les rapports que nos regards entretiennent avec elles, et qui font de nous des hommes: «Nous vivons dans l'illusion que nous sommes des créatures d'action; il serait sans doute plus sage de nous considérer (..) comme les spectateurs d'un éternel défilé d'images.» Manguel a beaucoup lu et vu. De sa déambulation intimement cosmopolite, il dégage douze