De 1937 à 1977, Adolfo Bioy Casares et Jorge Luis Borges ont régulièrement écrit en commun. Trois livres sous le nom de H. Bustos Domecq (composé des noms d'ancêtres respectifs). Un livre sous le nom de Suarez Lynch. Ils ont également édité et préfacé plusieurs anthologies de contes fantastiques, policiers, et de poésie. Ils ont enfin écrit deux scénarios de film et créé une collection fameuse de romans policiers, le Septième Cercle. Michel Lafon, 46 ans, est vice-président de l'université Stendhal à Grenoble. Spécialiste de littérature argentine et traducteur, il étudie les deux écrivains depuis plus de vingt ans. Il a écrit une thèse, devenue livre: Borges ou la réécriture (Seuil). Il préparait, depuis longtemps, l'édition des romans de Bioy pour Laffont. Il évoque l'intimité créatrice, unique dans le siècle, de ces talentueux siamois.
Quand Borges et Bioy Casares se sont-ils connus?
En 1930 ou 31. Et, pendant un demi-siècle, quand ils n'étaient pas en voyage et tant que Borges vécut en Argentine, ils se sont vus presque chaque jour. Borges venait déjeuner avec lui et Silvina Ocampo, sa femme. Comme Borges avait 15 ans de plus que Bioy, on a dit que l'un était le maître, et l'autre, le disciple. Les deux ont combattu cette image. Je ne sais pas si Borges a appris à Bioy à écrire, mais ce qui me frappe, c'est l'égalitarisme de leur relation. Ils étaient si individualistes que, s'il y avait eu entre eux hiérarchie, toute collaboration aurait été impossible.
Il y a, entre leurs