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Libération
Critique

L'ombre des doutes.

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Une série d'études sur la nature instable et mobile des mouvements d'opinion, par un historien des années noires.
publié le 17 mai 2001 à 0h54

Dans la communauté des historiens des années noires, Pierre Laborie occupe une place à part. Spécialiste de l'opinion, il a été contraint d'abandonner les certitudes trop matérielles du fait et la religion du document inédit pour «aborder le continent incertain du mental-émotionnel, de l'imaginaire social et de ses systèmes de représentations». Aux antipodes d'une histoire politique triomphaliste et positiviste, son oeuvre s'efforce de saisir cette multitude de voies par lesquelles les individus pensent leur présence au monde, donnent sens à leurs actes ou façonnent leur mémoire. Les onze articles réunis dans ce recueil illustrent tout autant cet objet que son souci du concept et son exigence de rigueur. Consacrés à la culture du «penser-double», aux motivations d'entrée en Résistance, aux relations juifs-non juifs ou aux émotions de la Libération, tous s'attachent à décrypter la nature mobile, instable, fragmentée, des phénomènes d'opinion, les ressorts psychologiques des conduites collectives, la complexité du réel, objet de constructions et de reconstructions incessantes. On perçoit, bien sûr, tout ce que cette posture compréhensive peut avoir de délicat dans ce champ du «très contemporain» (l'auteur préfère cette expression à celle de «temps présent»), miné par tant d'enjeux et de motivations diverses, et parfois douteux. Mais elle seule permet à l'historien, lorsqu'il navigue à égale distance des «justifications complaisantes» et des «simplifications caricaturales», de