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Libération
Critique

Le fil du rasoir.

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Durant deux ans à Paris, un coiffeur juif s'est caché dans une chambre pour échapper aux rafles. Publication de son journal.
publié le 17 mai 2001 à 0h54

Le 24 septembre 1942, la police française venait arrêter Albert Grunberg. Echappant à ses bourreaux, ce coiffeur juif d'origine roumaine se réfugia dans la chambre d'un immeuble voisin obligeamment mise à sa disposition par Mme Oudard, sa gardienne. Durant ses deux années de réclusion, Albert Grunberg tint un journal que les éditions de l'Atelier proposent aujourd'hui à la curiosité du public. Document d'un grand intérêt. Sont tout d'abord rappelées les informations, notamment militaires, dont la population dispose et qu'Albert Grunberg, rivé à sa radio, note fidèlement ­ son sort étant suspendu à l'avancée des troupes alliées.

Le livre retrace surtout l'expérience d'une claustration volontaire. La vie se réduit aux rythmes les plus élémentaires: visites de l'épouse, repas à la qualité inégale, «petits» et «grands» ménages, cohabitation parfois tendue avec le frère, Sami, dont les ronflements nuisent au sommeil de notre coiffeur. Se dégage surtout une peinture sociale opposant bien deux mondes. Albert Grunberg ne survit que grâce à un réseau de solidarités élémentaires que tissent la famille, les voisins, quelques commerçants devenus compréhensifs. Mais il est perpétuellement menacé par l'autre camp: policiers zélés, voisins collabos, escrocs du Commissariat aux Questions juives qui tentent de faire main basse sur son commerce et exercent d'insupportables pressions sur son épouse. Pour résister à la dépression, il faut à Albert Grunberg une singulière force morale qu'il puise