Viktor Pelevine est fou, l'affaire est entendue depuis 1995 l'année où furent publiés en français ses deux premiers livres, la Vie des insectes, au Seuil, et Omon-Râ, chez Austral, repris depuis par Mille et une Nuits. Diagnostic confirmé lors d'une visite en 1997 dont on rendit compte ici et pendant laquelle il nous traîna dans tout Moscou pour se procurer une réplique de Kalachnikov à air comprimé qu'il déchargea en rafale dans les bureaux d'une agence de publicité amie dont les fenêtres donnent sur le siège de la télévision publique, heureusement hors de portée de ce jouet dangereux. Ce n'est pas seulement pour faire le malin qu'on rappelle ce fait mais parce qu'on le retrouve au centuple dans Homo Zapiens: publicité et télévision en sont les sorcières. On y rencontre également force slogans délirants que Pelevine essayait alors sur un public complice et dont, en riant sous cape, il vendit quelques-uns. Entendons-nous bien: nous entendons par fou cette sorte de libre penseur, de penseur libre qui ne connaît ni n'autorise la moindre limite à son imagination, à sa plume et qu'une extrême intelligence permet de pousser jusqu'au délire. Le résultat effraie, mais peut-être est-ce notre propre et piètre liberté de penser, contingentée par notre peur, et mesurée à l'aune de celle de Pelevine qui nous conduit par prudence à traiter l'artiste de clown.
Et Pelevine, qui connaît bien son monde, joue avec nos nerfs dès la première page dans un avertissement au lecteur (qu'il étend aux