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Libération
Critique

Roth, masse laborieuse.

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Dans «J'ai épousé un communiste», le père de Zuckermann laisse la parole à un autre qui s'essaie au discours-fleuve.
publié le 24 mai 2001 à 0h58

Philip Roth a 67 ans et plus le début s'éloigne, plus il parle de la même chose: sa jeunesse; l'écrivain a le privilège ambigu de pouvoir la refaire autant qu'il veut (et peut). Roth pédale donc, monologue après monologue, dans la roue de papier du temps perdu. Il est né à Newark, quartier juif new-yorkais. Il y a grandi, appris la langue anglaise, arpenté le labyrinthe de sa judéité. Il y a pris la démesure de l'énergie, de la violence et de l'humanisme américains. L'Amérique était dans l'après-guerre, écrit-il, «le paradis des Juifs en colère». Tout paradis est né perdu et Roth le ressuscite à coups de fantômes dans de gros livres, tantôt réussis, tantôt négligés. Il y envoie en général son ego-reporter, écrivain et double un peu trop bavard qui l'accompagne depuis 40 ans: Nathan Zuckerman.

Dans le précédent roman, Pastorale américaine (Gallimard), Zuckermann «retrouvait» Seymour Levov, dit le Suédois, idole athlétique de son lycée. Cette fois, il recherche Ira Ringold, dit Iron Rinn, vedette de la radio qu'il connut et révéra. Ira était «un communiste doté d'une conscience et d'une bite», un Juif généreux, violent, dont l'utopie fut l'obsession. Il mesurait 1m97 et il était myope. C'était une force de la nature et un autodidacte engagé. Le maccarthysme l'a détruit, ou plutôt rendu à sa violence originelle.

Zuckermann a 15 ans lorsqu'il le rencontre: son professeur d'anglais, Murray Ingold, est le frère d'Ira. Celui-ci a travaillé comme ouvrier, dans les mines de zinc puis p