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Libération
Critique

Fournel, né dans le guidon.

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Les phrases en roue libre d'un auteur cycliste qui n'écrit pas avec les pieds.
publié le 14 juin 2001 à 1h15

Quelques écrivains ont un vélo dans la tête: ce sont les petits princes de la petite reine. Leur style a souvent du corps et leurs mots sont pris de fantaisie, comme agités ou stimulés par le vent. L’homme en eux est un roseau roulant. Paul Fournel appartient à cette espèce de centaures kilométriques, solitaires en groupe qui traversent la vie sur le fil du goudron et de la plume. Il avait déjà en 1989 dans un recueil de nouvelles, les Athlètes dans leur tête, raconté des sportifs mot à mot et de l’intérieur. Son nouveau livre, Besoin de vélo, explore sa propre intimité routière en brefs et jolis textes, travaillés comme des contre-la-montre. Rouler nous y parle d’écrire: «Le vélo est un bon lieu de travail pour l’écrivain. D’abord il se tient assis, ensuite il est dans un silence venté qui aère le cerveau et favorise la méditation, enfin il fabrique avec ses jambes quantité de rythmes différents qui sont autant de musiques pour le vers et la prose.»

Sur les routes, Fournel part avec une phrase, une idée, un bout de vers, et pendant des heures il les «mouline». Ecrire en roulant (en courant, c’est pareil, mais moins long et moins aéré) est un processus étrange et ambigu: les phrases naissent dans l’effort, de lui peut-être. Elles ont une saveur et une sueur particulière. Elles sont enchantées par le corps au travail et rarement l’écrivain se sent autant écrivain que dans ces moments-là: l’imagination lui naît de partout, et des muscles avant tout. Ecrire est au croisem