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Libération
Critique

La sociologie du complexe.

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Comment la société doit-elle procéder pour, à la fois, réduire la complexité et garder le système ouvert ? L'analyse de l'Allemand Niklas Luhmann.
publié le 14 juin 2001 à 1h15

Drôle de destin celui de Niklas Luhmann (1927-1998), probablement le plus grand sociologue européen de la deuxième moitié du XXe siècle: sa sociologie ­ plaidoirie d'un conservateur assumé sur l'inanité de toute révolte ­ a été mal comprise voire combattue par son propre camp pour ne trouver finalement des lecteurs attentifs qu'à gauche, chez ses adversaires, qui n'ont pas manqué néanmoins de la retourner contre lui. Ce paradoxe souligne la nouveauté de la démarche. Aussi l'ancien élève allemand de Talcott Parsons ne s'est-il pas contenté de réitérer sans frais l'affirmation de Conte, qui voulait faire de la sociologie l'héritière de la philosophie. Il l'a prise au sérieux et, s'appuyant sur la théorie des systèmes, a mené un combat sans merci contre tout fondement ontologique et métaphysique des sociétés humaines.

Les sociétés baignent entièrement dans la contingence et sont, pour ainsi dire, des autoproductions inconscientes d'elles-mêmes ­ et les valeurs censées les régir des résultantes secondaires de ce processus plutôt que leurs présupposés conscients. Il n'y a pas de place pour le sujet dans cette sociologie antihumaniste, Luhmann fait davantage confiance au système qu'à l'individu pour garder viable l'association des hommes entre eux. D'ailleurs, l'acteur social lui-même (ainsi que le sociologue) loin d'être un sujet libre n'est qu'un sous-système largement surdéterminé qu'englobent des systèmes de plus en plus larges. C'est finalement sur la place qu'il accorde à la