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Libération
Critique

Les dos au mur

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Répression, chômage, désoeuvrement : qui a dit que 20 ans était le plus bel âge de la vie? Certainement pas les Algérois.
publié le 14 juin 2001 à 1h14

Comment peut-on ne pas avoir 20 ans en Algérie? Est-ce que, là-bas, c'est possible d'avoir un autre âge ou est-ce qu'on est condamné à vie ou plutôt à mort d'avoir celui-là? 20 ans dans les Aurès en 1960. 20 ans à Alger en octobre 1988 quand 500 gamins furent abattus dans la répression de manifestations. 20 ans dans les mosquées, les maquis, les camps de déportation quand une génération entière devint hors-la-loi pour avoir voté FIS (Front islamiste du salut). 20 ans en Kabylie, où des émeutes ont déjà fait plus de 80 morts après l'assassinat d'un lycéen dans une gendarmerie en avril. C'est un hasard auquel personne ne croit si Aziz Chouaki publie son dernier texte, bref et d'un seul souffle comme toujours, dans la collection «Avoir 20 ans..». Chouaki vit à Paris depuis 1991 et va sur ses 45 ans. On ne va pas chipoter. Avoir 20 ans en Algérie ressemble davantage à un destin qu'à un état civil.

Donc ça se passe là où ça se passe à cet âge-là, à un «dicki», terme local désignant ces petits nids, aménagés dans le paysage ravagé des cités algéroises. Tout peut se transformer en «dicki»: une marche, un coin de mur, un parpaing même. Là se rassemblent les jeunes hommes du quartier, les hittistes, littéralement ceux qui «tiennent le mur», faute en général de tenir du boulot. Chaque dicki a son code, raï, foot, religion ou fringues. Voilà pour le décor. Chouaki envoie ses troupes: Djamel Milano dans son «tee-shirt Versace noir «Danger Zone» en grosse lettres blanches», Saïd Di Caprio