Rien ne peut laisser penser que Rimbaud ait jamais regretté la littérature. Même au moment de mourir, quand on le voit «pleurer jour et nuit» pendant 35 pages, sa seule pensée est pour son négoce car, s'il rentre trop tard à Aden, «on n'aura plus confiance en lui». A ceux qui osent lui rappeler qu'il a jadis écrit, il répond que sa bohème fut «une période d'ivrognerie» et d'immaturité: «je ne pouvais pas continuer, je serais devenu fou». Ses textes? Des «rinçures». Sa soeur, la catholique Isabelle, lui attribue même un remords assez pieux: «Et puis c'était mal». Bref, «merde pour la poésie». Un an avant sa mort, il reçut une missive d'une revue littéraire, la France moderne, qui sollicitait sa collaboration. Lui qui était parti de France inconnu y apprit qu'il était le «chef de l'Ecole décadente et symboliste». On ne sait ce qu'il en pensa, ni s'il prit la mesure de sa renommée. Rimbaud garda la lettre avec lui, peut-être dans l'espoir, comme le suggère Mallarmé, de réclamer des droits d'auteur. La croyance que l'écriture fût en soi une activité plus intéressante qu'une autre l'avait définitivement quitté.
A priori, la biographie de Jean-Jacques Lefrère semble choisir elle aussi le camp de la laïcité intellectuelle. Il n'y a pas de révélations fracassantes, mais on y trace, en même temps que la biographie de l'écrivain, celle de ses biographes afin de déconstruire, dans un lointain écho aux travaux d'Etiemble, la moite dévotion qui entoure Rimbaud. De fait, Lefrère n'a pas la