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Libération
Critique

Scènes de chasse en Algérie.

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En 1961, Marc Garanger, jeune appelé, a dénoncé la guerre à sa manière en tirant le portrait de militaires français et de résistants algériens. Réédition.
publié le 14 juin 2001 à 1h14

C'est ce qu'on appelle un bon moment, à la caserne française de Bordj-Okriss, Algérie, en ce mois de mai 1961. Quelques heures sans cadavres, sans opérations, sans captifs qu'on traîne dans la porcherie baptisée «prison». Rien d'autre qu'une cigarette au soleil entre trois sous-officiers du commando 13. «La plupart avaient fait l'Indochine et racontaient volontiers: on a buté duViet, on vient se faire du fel», se souvient le photographe Marc Garanger. A l'époque, c'est un appelé de 25 ans, avec un Leica dans la poche du treillis. Le commandant l'a surnommé «mon photographe».

Dans la cour de la caserne, les trois sous-officiers le hèlent. «Tire-nous donc le portrait». Le plus petit, celui qui a un béret et des lunettes de soleil, prend les deux autres par le cou. Les mentons s'avancent par-dessus les vestes camouflages. Garanger sort son appareil. Sourires. Les sourires ordinaires de trois sous-offs d'Algérie, en 1961, lorsque dans les casernes françaises, à quelques mois de l'indépendance, tout chantait: «On a gagné. Ici, on ne s'est pas laissé emmerder par les cons et les macaques.»

Quarante ans plus tard, les visages des trois sous-offs brûlent l'image dans le formidable livre-photo de Marc Garanger, La Guerre d'Algérie vue par un appelé du contingent, republié par le Seuil. «Je les ai collés au mur pour l'éternité», commente Garanger. A l'époque, il leur avait donné un tirage. «Eux s'étaient trouvés beaux.» C'était un temps de haine, ou plutôt c'était un temps où la haine é