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Libération
Critique

A tire d'elle.

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Au rythme de la banlieue, le paysage du temps qui passe.
publié le 21 juin 2001 à 1h19

Elle va au collège, elle va au centre commercial le mercredi, elle vit avec sa mère mais la voit peu. Elle est seule comme on l'est à son âge, avec un sentiment incertain de son existence, de son apparence, de son identité. Elle est elle-même pourtant, «elle» au long de ce premier roman de François Vergne, un texte envoûtant qu'on dirait composé d'un seul tenant, sans paragraphes. Il y en a trois en réalité. Le premier couvre la moitié du livre; «enfin c'était l'hiver».

Comment faire passer le temps? Grande question des adolescents et des romanciers. François Vergne embrasse dans un même plan sa petite bonne femme désolée et la marche des jours, le remuement baroque de la vie extérieure, et les mini séismes de l'âme. «Tous les jours passaient uniformément, et il continuait à pleuvoir. Elle était seule dans la cuisine. Elle avait pris des céréales pour son goûter et il y en avait qui étaient tombées autour du bol et il aurait fallu aller à l'évier pour chercher l'éponge et la passer sur la table (..).»

Les ciels prennent beaucoup de place, gris, ou rouge et or. «C'était déjà la mi-octobre et le crépuscule éclatait sur les voies et dans les vitres des TGV et des Eurostars qui passaient à toute vitesse sur les voies du fond.» Les lumières désignent les saisons, la nuit monte, rentrons à la maison. Les trajets de la banlieue donnent le rythme. Les odeurs sont incessantes aussi, de tabac, d'herbe ou de thuyas. Seine-Saint-Denis court d'un été à l'autre, d'une rentrée scolaire à la