Emprunter l'habit de l'autre sexe afin de se déguiser ou, plus encore, de changer son identité profonde, voilà une pratique transgressive très ancienne mais dont le vécu symbolique et émotif dépend beaucoup du contexte historique. C'est ce que montre Sylvie Steinberg dans ce livre à propos d'une époque, l'Ancien Régime, qui a vu naître nombre de personnages travestis aussi bien dans la littérature que dans la réalité. Des personnages d'ailleurs beaucoup plus souvent féminins que masculins, ce que l'auteur explique par le fait que l'homme qui se travestit s'avilit puisqu'il est considéré comme une création plus parfaite que la femme alors que cette dernière au contraire acquiert un statut supérieur.
Bien que le travestissement soit classé parmi les crimes, les procès pour ce seul fait ont sans douté été rares. La peine, très variable, dépend en fait des raisons qui l'ont motivée car «pour l'époque moderne, il n'y a aucun lien simple, et ce chez les hommes comme chez les femmes, entre le travestissement et la transgression sexuelle». Au XVIIIe siècle en particulier, le travestissement est considéré, à l'instar de la prostitution à laquelle il est souvent associé, comme une question d'ordre public. Il en va tout autrement s'il est perçu comme un subterfuge pour des relations coupables entre femmes: ce «tribadisme» est alors sévèrement condamné. Par contre, les juges se montrent bienveillants si la femme peut prouver que son travestissement est motivé par une nécessité supérieure