La nouvelle aux pis n'est pas dans la Nouvelle aux pis mais dans votre tête. Ces ombres chinoises qui ont bénéficié, chez l'imprimeur, de deux couches de nuit noire font mal aux yeux, elles persistent au fond de la rétine et vous poursuivent lorsque, refermant le livre et levant les yeux au plafond, on les y aperçoit se mélanger, en négatif. A première lecture, on n'y voit goutte, on n'entend rien (l'histoire est muette), on est plongé dans un caisson sensoriel où certaines scènes, certaines silhouettes reviennent de façon obsédante. Encore n'est-on pas tout à fait sûr qu'il s'agisse des mêmes personnages: ont-ils changé de vêtements, de coiffure, les voyons-nous sous un autre angle? On arrive à comprendre chaque séquence, chaque chapitre séparément, mais toute tentative de les combiner entre eux achoppe aux névroses propres du lecteur, lequel se méfie de lui-même, contraint qu'il est de donner à ce récit plus de signification qu'il ne veut. Alors, il relit tout et ce qu'il a retenu cette seconde fois vient se combiner avec les souvenirs de la première lecture pour former un sens nouveau, qui n'existe que dans la surimpression mentale des décodages successifs.
Il y a donc du Rorschach, de la projection psy dans cet album étonnant, littéralement impressionnant. Les thèmes abordés ne sont d'ailleurs guère tranquilles. On assiste à des naissances, des viols, des castrations et autres mutilations, de moites émois sexuels, il y a plein d'animaux morts (rats, cafards, caniches), un