En 1869, dans la France du Second Empire finissant. Jean-Baptiste Troppmann, 17 ans, assassine sept personnes d'une même famille: un petit industriel du Nord, son épouse et leurs cinq enfants. Il les enterre dans un terrain vague du côté de Pantin, puis tente de passer en Amérique. Arrêté au Havre, Troppmann tente de s'échapper. Rattrapé, il nie le crime, accuse des complices.
L'affaire passionne l'opinion, autant qu'un feuilleton d'Eugène Sue. Elle captive Ivan Tourgueniev qui en fera un livre (l'Exécution de Troppmann). Elle fascine Moïse Polydore Millaud, ex-banquier ruiné, propriétaire excentrique et génial du Petit Journal, une feuille de chou à laquelle collaborent, sous le pseudonyme commun de Thomas Grimm, les plus célèbres plumes de l'époque: de George Sand à Théophile Gautier, d'Edmond About à Théodore de Banville. Pour Millaud, le drame est l'occasion d'appliquer ses conceptions de la presse: le public veut du sang, il s'agit de lui en donner. Le Petit Journal se lance sur les traces du meurtrier. Quand il est arrêté, on va voir sa famille en Alsace un père alcoolique, inventeur raté, une mère tourneboulée pour qu'elle raconte par le menu l'enfance du monstre. Millaud joue de ses relations pour aller lui rendre visite dans sa cellule. Rédacteur en chef, Henri Escoffier soudoie la soeur aînée de Troppmann et la fait venir à Paris dans l'espoir de le convaincre d'avouer.
Le Petit Journal consacre une place énorme à l'événement: deux, trois, parfois quatre pages pa