Birgitta Trotzig porte un prénom de star et un nom allemand, celui de son mari, Ulf Trotzig, peintre et graveur, ils sont tous deux suédois et septuagénaires, le nom est arrivé à Göteborg on ne sait comment, des générations plus tôt. Et l'âge, il ne faudrait pas vieillir. Bon, il n'y a pas de quoi se vanter d'être suédois, ils sont une dizaine de millions comme ça. Non, mais c'est la langue, Birgitta Trotzig est tellement suédoise que toutes les autres langues qu'elle connaît (elles ne manquent pas) ne sont que des langues fraternelles, la langue maternelle est la seule où les mots disent autre chose que leur sens, où les mots ont une silhouette, une odeur, un passé, une famille, des souvenirs, où les mots ont eu un sens avant d'être compris, où les mots montent du subconscient, humides, chargés de boue, gluants, roulés dans d'autres salives, vivants, autonomes. Et Birgitta Trotzig les laissent monter jusqu'à elle, un à un, lentement (elle dit «goutte à goutte»), elle les recueille comme des orphelins perdus, affamés, vindicatifs, rebelles, elle les laisse dire, elle les colle sur le papier comme des taches brutes, des coléoptères aux élytres d'ankylose, elle leur laisse le temps de s'organiser, de s'ébrouer, de jouer des coudes entre eux, de trouver leur place et de produire simultanément du sens et des images. Des images surtout, après ce sont les images qui donnent le sens. Elle leur fait confiance, elle les apprivoise et, petit à petit en les transvasant d'une phrase à l
Critique
Paroles et musique de Birgitta Trotzig.
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publié le 28 juin 2001 à 1h23
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