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Libération
Interview

Sous le soleil de sa tante

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Rencontre avec Angelica Garnett, nièce de Virginia Woolf, qui a conservé de la vacherie familiale l'habitude d'appeler un chat un chat.
publié le 28 juin 2001 à 1h23

«Je suis la seule survivante» dit Angelica Garnett, la dernière à avoir fréquenté le groupe mythique de Blooms- bury composé d'écrivains (Virginia Woolf, E. M. Forster, en voisin T. S. Eliot), de peintres (Roger Fry, Vanessa Bell ­ soeur de Virginia ­ et Duncan Grant) et de quelques éléments annexes mais pas négligeables (J. M. Keynes). Pour fuir ce lourd héritage, la fille de Vanessa et Duncan, née en 1918, s'est installée dans le sud de la France. Les souvenirs réunis dans les Deux Coeurs de Bloomsbury évoquent plutôt la fin des années trente (les longs séjours en France de la famille Bell) et les lendemains de la Seconde Guerre mondiale, ce qui donne au livre une drôle de touche funèbre: que deviennent ceux qui restent après que le coeur du groupe est mort. Angelica Garnett ne témoigne pas d'une affection débordante pour ce petit monde. Son premier livre, Deceived with kindness (Trompeuse Gentillesse), elle aurait voulu l'intituler Killed with kindness (Mortelle Gentillesse) parce que «ma mère m'a tuée. Je ne comprends pas pourquoi elle m'a révélé le nom de mon père si tard, alors que Bloomsbury symbolisa une certaine liberté». De sa famille, elle a hérité l'habitude de ne pas mâcher ses mots. Virginia Woolf avait, écrit-elle, une «langue de vipère» et le «talent de démolir ceux qui n'étaient pas sur leurs gardes: ça lui était tellement facile qu'elle résistait mal à la tentation» avant d'offrir une très réussie description de sa tante: «la tension de ses lèvres sardoniqu