Menu
Libération
Critique

Vico con brio

Article réservé aux abonnés
Giambattista Vico a dû attendre trois siècles pour disposer en France d'une traduction fiable de son oeuvre maîtresse, «La Science nouvelle».
publié le 28 juin 2001 à 1h23

Jusqu'à aujourd'hui, lire la grande oeuvre de Vico en langue française et dans une édition fiable, était à peu près impossible. Voilà donc un texte superbe, de première im- portance, qui a connu une bien étrange destinée en France: remarqué et adapté partiellement par Michelet, souvent cité, il n'a jamais eu droit à une traduction digne de ce nom. Cette occultation dura plus de trois siècles! la Science nouvelle était un texte dont tout le monde parlait, qui cependant demeurait illisible: une sorte d'Arlésienne de la pensée. Ou bien, une sorte d'immense soleil absent: on baignait dans sa lumière, mais la source lumineuse demeurait insaisissable. L'édition proposée par Alain Pons met fin à cette situation aussi singulière que scandaleuse.

Peut-être la cause de cet étrange destin est-elle à chercher dans le caractère inclassable de la Science nouvelle? Dans sa brève et incisive introduction, Alain Pons pose la question tout en faisant ressortir la nature atypique de l'ouvrage: «Vico est-il un antimoderne, un ennemi avant la lettre des Lumières, qui détruit les bases de leur confiance dans la raison, ou bien ne milite-t-il pas plutôt pour des Lumières moins arrogantes et moins naïves, plus attentives aux leçons de l'histoire?» Le projet vichien: constituer une science (au sens des sciences de la nature, telles que le siècle de Galilée et de Descartes les avait forgées) du monde des hommes, autrement dit, de l'histoire. Science «nouvelle»: qui viendra s'ajouter aux sciences déjà