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Critique

Ishiguro, le parfait du subjectif

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L'écrivain anglais né à Nagasaki se sert toujours, dans une syntaxe raffinée et parfois désuète, du passé pour parler d'autrui et du présent.
publié le 23 août 2001 à 0h28

Avec Ishiguro, on pourrait, comme on dit films d'époque, parler de livres d'époque. Pourtant ses romans ne peuvent être qualifiés d'historique. Car ce qu'aime l'auteur des Vestiges du jour, c'est simplement habiller ses idées. Reconstitution et costumes sont accessoires, cosmétiques. Né en 1954 à Nagasaki, et vivant en Angleterre depuis l'âge de 5 ans, Kazuo Ishiguro est un écrivain anglais (comme son nom ne l'indique pas) qui s'intéresse, bel et bien, aux problèmes de son temps. Mais contrairement à ses contemporains, comme Hanif Kureishi (né également en 1954): «Je préfère trouver mes sujets en dehors de moi-même, parler d'autre chose que de ma propre expérience. Je fais des repérages, je cherche un lieu, une époque. L'avantage de situer l'histoire dans une période passée, est de créer chez le lecteur une sensation de distance.» Sortir de l'actualité afin de mettre en exergue des thèmes très actuels. Dans les Vestiges du jour, qui valut à Ishiguro le Booker Prize en 1989 et une adaptation cinématographique de James Ivory, la vie d'un majordome était un prétexte pour parler de servitude, en général. Et, tout particulièrement, d'aliénation politique: «Décrire la société de classes en Angleterre avant et après la Seconde Guerre mondiale ou encore la condition des domestiques n'était pas mon intention. J'aurais tout aussi bien pu prendre un serviteur japonais. Non, c'était juste une métaphore pour dire qu'au niveau politique, on est des valets. Que rares sont ceux qui accèdent