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Libération
Critique

Le fruit de ses entrailles

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Ne pas se fier au titre : «Putain», premier texte de la Québécoise Nelly Arcan, échappe au naturalisme mauvais teint.
publié le 23 août 2001 à 0h28
(mis à jour le 23 août 2001 à 0h28)

Si l'on dit qu'il s'agit de l'histoire d'une jeune femme à la première personne, qui en veut à sa mère, à son père et à son psychanalyste, et qui se prostitue, on n'a rien dit qui puisse caractériser Putain. Simplement qu'on est en présence d'un genre bien identifié: l'autofiction du corps scandaleux. Pour être plus précis, il faut donc ajouter que Putain n'appartient pas à la tendance «ma-Vie-mon-Cul-mon-OEuvre», mais à l'autre versant, moins glorieux, plus circonscrit, d'une économie moins libérale et que la narratrice énonce ainsi: «J'aimerais me dévoiler froide et nue à la communauté, être telle qu'on ne puisse plus me nier, fixée pour toujours, un cadavre à identifier.»

Ainsi, malgré son titre justement putassier, malgré la mise en scène narrative destinée à nous convaincre que l'auteur s'est en effet prostituée (mais peu importe que cela soit vrai ou pas, ce qui compte, c'est que le lecteur le croie), il ne faut pas s'attendre à du naturalisme mauvais teint. Nelly Arcan (26 ans, Québécoise) évoque à la place le corps en pièces, la mère larve, les pères-clients de leurs filles-putains, la peur de vieillir, d'enfanter, les rituels contre la mort au fond de la baignoire et les psychanalystes à la fois pères et clients. Où l'on apprend que l'on ne devient pas putain, mais qu'on le naît, que c'est héréditaire: «J'ai ma mère sur le dos et sur les bras, pendue à mon cou et roulée en boule à mes pieds, je l'ai de toutes les façons et partout en même temps, voilà pourquoi il fau