«Ils le coupent, ils le coupent avec des ciseaux?» demandais- je «Ja, mit der Schere» répondait-elle en scandant les syllabes»: La petite fille regarde dans l'appartement d'en face le nouveau-né noyé dans la dentelle et cette scène de circoncision qu'elle ne comprend pas. La fillette de la grande bourgeoisie romaine catholique interroge sa gouvernante allemande, cette Anne-Marie froide, sèche, austère, qu'elle aime d'un amour têtu et inconditionnel. Elle se sent délaissée par des parents trop distants. C'est le roman d'une passion enfantine mais aussi celui de la découverte manquée de l'autre, le juif, tellement différent et mystérieux aux yeux d'une petite fille baignant dans le catéchisme et les écoles de bonnes soeurs.
La porte de l'eau fut le premier livre de Rosetta Loy. Publié en 1976, il n'eut de son propre aveu «qu'une vie brève et légère». Depuis elle est devenue une écrivain reconnue, mais ce roman est le plus personnel, celui auquel elle se sent le plus liée. Elle en pilla des parties dans ses oeuvres ultérieures. Cette même scène de la circoncision ouvre ainsi Madame Delle Seta aussi est juive (1), bouleversant récit au travers du regard d'une fillette non juive sur les lois raciales dans l'Italie fasciste et la grande rafle dans le ghetto de Rome en octobre 1943.
Le thème n'est là qu'esquissé. Une impalpable tristesse imprègne toutes les pages, comme annonçant la fin de l'innocence et l'horreur à venir. «Fraulein», la gouvernante allemande et antisémite, raconte t