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Libération
Critique

La torture comme instrument.

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Comment, de 1954 à 1962, les techniques des tortionnaires ont pu naturellement prospérer sur le terreau de plus d'un siècle de colonisation.
publié le 20 septembre 2001 à 0h52

Automne 1996. Une étudiante parisienne commence sa thèse de doctorat d'histoire sur «la torture et l'armée pendant la guerre d'Algérie». Le sujet est loin de faire la Une des journaux. Pendant quatre ans, la jeune chercheuse travaille dans les archives, en particulier celles du service historique de l'armée de terre. Avec une limitation: respecter l'anonymat des personnes citées dans les documents. En décembre 2000, alors que la polémique fait rage à la suite des propos du général Aussaresses, Raphaëlle Branche soutient sa thèse devant un jury enthousiaste. Pur hasard de calendrier. Au premier rang, Pierre Vidal-Naquet, l'auteur de la Torture dans la République, ne cache pas son émotion devant les 1211 pages de ce travail scientifique. Le premier qui ne soit pas, d'abord, un acte militant.

Raccourcie, remaniée, cette thèse sort aujourd'hui en librairie. Il ne faut pas s'y tromper: ce n'est pas un livre sur la torture et les mauvais traitements durant la guerre d'Algérie en général. Ainsi, «on ne traitera pas ici des violences des nationalistes algériens», prévient l'auteur. Pas plus que de l'implication permanente et massive des forces de police. L'objet de l'ouvrage est plus limité: «l'utilisation de la torture par l'armée française dans la répression du nationalisme algérien».

Même fortement nourrie d'anthropologie, c'est une thèse d'histoire. Raphaëlle Branche «périodise» donc, car «la place de la torture a évolué en huit années» de 1954 à 1962. En novembre 1954, la torture