Menu
Libération
Critique

Un fléau dans la balance.

Article réservé aux abonnés
Apprendre à ne pas instruire, fermer les yeux sur la torture : une étude sur les compromissions de la justice.
publié le 20 septembre 2001 à 0h52

S'il est un dogme, pour les magistrats, c'est l'autorité de la chose jugée. Ne pas poursuivre, étouffer, la pratique est supportée, tant qu'elle peut revêtir les apparences de la légalité. Mais que des décisions de relaxes ou d'acquittement de prévenus soient institutionnellement bafouées.. Fin 1957 pourtant, Jean Reliquet, procureur général à Alger, l'entérine au terme d'une vive polémique avec le général Massu. Au nom «du maintien de l'ordre», Massu exige que les individus «dangereux» soient assignés à résidence même lorsqu'ils ont été blanchis par la justice d'Algérie. Reliquet se rebelle, avant de négocier un cadre qui lui permet de tolérer une telle transgression du droit. Le 24 janvier 1958, il s'explique dans une lettre au ministre de la justice, Robert Lecourt, sans mesurer l'absurde de son propos: l'assignation permettra d'éviter «la remise en liberté d'individus à l'égard desquels la preuve d'aucun acte criminel ou délictuel n'aura été apportée». Reliquet, nommé par Mitterrand, n'est pourtant pas porteur d'un passé colonial qui, comme nombre de ses collègues, l'influencerait.

Cet épisode n'est pas le plus sensible de la démonstration de Sylvie Thénault dans le travail qu'elle vient de publier sur le rôle de la magistrature dans la guerre d'Algérie. Mais sans doute l'un des exemples les plus frappants pour les juristes sur la confusion d'une justice d'exception mise au service du pouvoir politique et de l'armée entre 1954 et 1962. Six ans de travail pour une thèse (q