Longtemps cantonnée à la question de la collaboration, l'histoire de Vichy, depuis la révolu tion pax tonnienne, a privilégié d'autres enjeux. Le régime représente-t-il une variante française du totalitarisme ? Une continuité, dans les hommes comme dans les idées, unit-elle les technocrates de l'Etat français aux hauts fonctionnaires planificateurs de la IVe République? Comment la mémoire des années sombres, omniprésente dans la conscience nationale depuis les années soixante-dix s'exprime-t-elle? En rassemblant une quinzaine d'articles jusque lors disséminés dans des revues ou des ouvrages scientifiques, Henry Rousso, directeur de l'IHTP (Institut d'Histoire du Temps Présent), apporte des réponses bienvenues.
Confortant les thèses de Robert Paxton, Henry Rousso confirme la réalité du projet politique que porte l'Etat français. Né de la défaite, le régime vichyste entend bel et bien instaurer un ordre nouveau fondé entre autres sur une politique antisémite propre et l'espoir de construire sur les décombres une économie modernisée. Un gouffre, pourtant, sépare les intentions affichées des réalisations. En raison, tout d'abord, des clivages qui opposent les cercles dirigeants et les points de vue que développent corporatistes, dirigistes, et planistes freinent l'adoption d'une politique cohérente. En raison du malheur des temps le pouvoir devant se contenter de gérer les pénuries; en raison surtout des exigences allemandes qui limitent la marge de manoeuvre des technocr