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Critique

Le berceau de Moïse

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Le monothéisme au pied des pyramides: une histoire des réflexions inspirées par la «distinction mosaïque», entre le vrai Dieu et les autres.
publié le 27 septembre 2001 à 0h56

En dépit d'une écriture qui a gardé son mystère jusqu'à Champollion, ou peut-être pour cela, l'Egypte ancienne n'a cessé de hanter la conscience occidentale, comme si la mémoire s'était chargée de tisser les liens que l'histoire ne pouvait pas encore établir. Mais la langue restant muette, c'est dans les livres de ceux qui étaient entrés en contact avec elle qu'on a cherché à entendre la voix égyptienne, chez les auteurs grecs et latins donc et, surtout, dans la Bible. Dans Moïse l'Egyptien, Jan Assmann suit la trace ­ en grande partie ensevelie par l'essor de la science historique elle-même ­ de ce travail de la mémoire sur l'Egypte d'avant l'égyptologie. Qu'il s'agisse d'en souligner la continuité ou la rupture, il semble bien que dans l'Europe chrétienne et jusqu'au XIXe siècle la réception de l'Egypte et celle de Moïse ont été extraordinairement imbriquées. Prêtre égyptien ou pas, c'est parce qu'il a quitté le pays où il vivait qu'il a pu établir cette «distinction mosaïque» dont il est question tout au long de cet ouvrage, à savoir «la distinction entre ce qui est vrai et ce qui est faux dans la religion». Une révolution radicale dans l'histoire des religions qui, selon ce professeur d'égyptologie à l'université de Heidelberg, donnera suite à des distinctions plus spécifiques aux conséquences souvent tragiques, comme «celle entre juifs et goyims, entre chrétiens et païens, entre musulmans et incrédules».

Cette nature inouïe du monothéisme de «contre-religion» par rapport